Passer au contenu principal

Conseils à la profession : Politique sur le traitement de soi-même, des membres de sa famille ou d’autres proches par un médecin

Icône d’impression de la page
 

Les documents d’accompagnement Conseils à la profession visent à fournir aux médecins des renseignements supplémentaires et des conseils généraux afin de les aider à comprendre et à mettre en œuvre les attentes définies dans les politiques. Ils peuvent également identifier quelques meilleures pratiques supplémentaires concernant des questions précises sur la pratique.

Les médecins peuvent se trouver dans des circonstances où ils doivent décider s’il serait approprié de fournir des traitements à soi-même, à des membres de leur famille ou à d’autres proches. Bien que les médecins peuvent avoir de bonnes intentions et souhaiter véritablement prodiguer les meilleurs soins possible lorsqu’ils se traitent eux-mêmes ou ils fournissent un traitement aux membres de leur famille ou à d’autres proches, les ouvrages indiquent que la capacité du médecin à maintenir l’objectivité émotionnelle et clinique nécessaire pourrait être compromise.  Dans de tels cas, les médecins pourraient éprouver des difficultés à satisfaire à la norme de soins. Par conséquent, il est possible que la qualité du traitement que reçoit la personne ne soit pas la meilleure, en dépit des meilleures intentions du médecin.

Le présent document est destiné à aider les médecins à interpréter leurs obligations telles qu’elles sont énoncées dans la politique sur le traitement de soi-même, des membres de sa famille ou d’autres proches par un médecin et à fournir des conseils concernant la manière dont ils peuvent s’acquitter efficacement de ces obligations.

Comment l’objectivité et le jugement professionnel peuvent-ils être affectés quand on fournit un traitement à soi-même, à des membres de la famille ou à des proches?

La capacité d’un médecin à maintenir la quantité nécessaire d’objectivité émotionnelle et clinique requise pour un jugement professionnel peut être compromise lorsqu’il se traite lui-même, ou traite des membres de sa famille ou proches. Le médecin peut inconsciemment avoir des idées préconçues sur la santé et le comportement de la personne, ou faire des suppositions sur ses antécédents médicaux ou sa situation personnelle. De même, le médecin peut supposer qu’il dispose de tous les renseignements pertinents sur la personne et qu’il n’est donc pas nécessaire de procéder à une anamnèse complète ou à un examen médicalement indiqué. Par exemple, un médecin qui fournit un traitement à son enfant peut supposer que ce dernier n’a pas eu d’activité sexuelle ou de comportement à haut risque, et donc ne pas prendre en compte toutes les indications cliniques possibles pour le traitement.

Comment une objectivité ou un jugement professionnel compromis peuvent-ils avoir un impact sur la qualité des soins?

D’après certaines études1, les médecins qui traitent des personnes lorsque leur objectivité émotionnelle et clinique est compromise peuvent avoir des difficultés à respecter la norme de soins.  Cela peut se produire selon différents scénarios, notamment, mais pas exclusivement :

  • Le médecin est mal à l’aise lorsqu’il s’agit de discuter de questions sensibles ou de recueillir des antécédents médicaux.
  • Les membres de la famille et autres proches du médecin sont mal à l’aise à l’idée de discuter de questions sensibles avec le médecin. Cela peut être particulièrement vrai pour les enfants qui reçoivent un traitement, surtout en ce qui concerne la santé et le comportement sexuels, la consommation de drogues, les problèmes de santé mentale, ou les questions d’abus ou de négligence.
  • Les médecins peuvent se sentir obligés ou poussés à traiter des problèmes qui dépassent leur expertise ou leur formation, ou à prescrire des médicaments qui créent une dépendance ou une accoutumance, y compris des narcotiques ou des substances contrôlées, pour les membres de leur famille ou leurs proches.
  • Le médecin ne perçoit pas toujours la nécessité d’obtenir un consentement éclairé dans ce contexte et de respecter l’autonomie décisionnelle de la personne.
  • Le médecin n’arrive pas toujours à reconnaître que le devoir de confidentialité s’applique dans ce contexte, tout comme pour un patient. Le médecin peut également avoir du mal à comprendre que les informations concernant la personne doivent rester confidentielles, même si d’autres membres de la famille ou d’autres proches du médecin insistent pour savoir « ce qui se passe » au sujet de la santé de la personne.
  • Le médecin peut hésiter à faire un signalement obligatoire (p. ex., en cas d’intoxication affectant la capacité de la personne à conduire ou de soupçons de maltraitance d’enfant).

Lorsque la norme de soins a subi un impact négatif, cela peut se traduire par des soins de santé de moindre qualité pour la personne qui reçoit le traitement.

L’Association médicale canadienne (AMC) recommande aux médecins de « limiter les traitements administrés aux membres de votre famille immédiate ou à vous-même aux services mineurs ou d’urgence, et uniquement lorsqu’un autre médecin n’est pas facilement disponible; ces traitements devraient être gratuits »2.

Quels membres de ma famille puis-je traiter dans le cadre de cette politique?

Beaucoup d’entre nous ont des membres de leur famille avec lesquels ils sont très proches, et d’autres avec lesquels ils n’entretiennent pas une relation aussi étroite, voire pas de relation du tout. Les risques associés à la fourniture par les médecins de traitements à des membres de la famille surviennent lorsque la nature de la relation est personnelle ou suffisamment proche pour que les sentiments (positifs ou négatifs) du médecin envers cette personne puissent raisonnablement affecter son objectivité émotionnelle et clinique et altérer son jugement professionnel.

Les membres de la famille du médecin qui seront concernés varieront d’un médecin à l’autre. Il peut s’agir de membres de la famille immédiate ou élargie du médecin, de beaux-parents ou de membres d’une unité familiale non traditionnelle. Il peut s’agir, par exemple, du conjoint ou du partenaire du médecin, de son ex-conjoint ou de son ex-partenaire, d’un parent, d’un beau-parent, d’un enfant, d’un beau-fils ou d’une belle-fille, d’un enfant adopté ou placé en famille d’accueil, d’un frère ou d’une sœur, d’un demi-frère ou d’une demi-sœur, d’un grand-parent ou d’un petit-enfant, d’une tante, d’un oncle, d’une nièce ou d’un neveu, ou de ceux du conjoint ou du partenaire du médecin.

Quels sont les types de rapports non familiaux qui peuvent affecter l’objectivité?

Les relations personnelles ou étroites avec d’autres personnes qui ne sont pas des membres de la famille pourraient également compromettre de la même manière l’objectivité émotionnelle et clinique du médecin. Ces personnes peuvent être des amis, des collègues et des membres du personnel, entre autres. Ce ne sont pas toutes les relations entretenues par un médecin qui altéreraient son objectivité. Cependant, lorsque la relation d’un médecin avec une personne est d’une nature telle que le jugement professionnel du médecin pourrait raisonnablement être affecté, cette personne tomberait dans le champ d’application de la police qui est défini par l’expression « autres personnes proches ».

Comment puis-je évaluer efficacement la nature de la relation?

Lorsque vous évaluez la nature d’une relation avec une personne, si vous pouvez répondre « oui » à l’une des questions ci-dessous, cette personne entre probablement dans le cadre d’une relation personnelle ou étroite avec vous, et votre objectivité peut être raisonnablement affectée lorsque vous fournissez un traitement à cette personne.

  1. Serais-je mal à l’aise pour poser les questions nécessaires à l’établissement d’un historique complet, à la réalisation d’un examen médicalement indiqué ou à l’établissement d’un diagnostic correct, en particulier sur des sujets sensibles?
    Les relations avec les membres de la famille ou d’autres personnes proches du médecin peuvent amener ce dernier à avoir inconsciemment des idées préconçues sur la santé et le comportement de la personne, ou à faire des suppositions sur ses antécédents médicaux ou sa situation personnelle. Par conséquent, le médecin peut ne pas poser de questions ou chercher à obtenir des informations qui pourraient éclairer le diagnostic ou les soins ultérieurs. De même, les médecins peuvent se sentir mal à l’aise à l’idée de recueillir des antécédents médicaux complets, ou supposer qu’ils sont au courant de toutes les informations pertinentes concernant l’individu et que, par conséquent, il n’est pas nécessaire de recueillir des antécédents complets ou de procéder à un examen médicalement indiqué.  Cela compromet la capacité du médecin à fournir des services conformes à la norme de soins.
  2. Cette personne serait-elle mal à l’aise de discuter de sujets sensibles ou de révéler des comportements à haut risque avec moi?
    Les membres de la famille et les autres proches du médecin peuvent se sentir mal à l’aise de discuter de ces questions avec un médecin avec lequel ils ont une relation personnelle ou étroite. Ils peuvent également craindre un jugement ou d’autres conséquences dans la relation. Cela peut être particulièrement vrai en ce qui concerne la santé et le comportement sexuels de l’individu, la consommation de drogues, les problèmes de santé mentale, ou les problèmes d’abus ou de négligence, surtout s’agissant d’un enfant. Par conséquent, la personne risque de garder secrètes des informations essentielles au diagnostic ou à la prise en charge d’une maladie.
  3. Aurais-je des difficultés à permettre à cette personne de prendre une décision sur ses propres soins avec laquelle je ne suis pas d’accord?
    Le respect pour l’autonomie d’une personne est essentiel à la prestation de soins conformes à la déontologie. Les gens doivent être en mesure de prendre de leur plein gré des décisions éclairées sur leurs soins de santé, ainsi que de remettre en question ou de refuser des options de traitement. Les membres de la famille et les autres proches du médecin, en particulier les enfants, peuvent être indûment influencés par les opinions du médecin, ou se sentir incapables de refuser un traitement ou de chercher d’autres opinions. Pour obtenir de plus amples renseignements, consulter la politique de l’Ordre sur le consentement au traitement médical.
  4. La relation personnelle ou étroite avec cette personne pourrait-elle rendre plus difficile le maintien de la confidentialité ou la réalisation d’un signalement obligatoire?
    La confidentialité peut être plus difficile à maintenir et le risque de violation peut être plus grand, par exemple lorsque d’autres membres de la famille ou d’autres proches du médecin insistent pour savoir « ce qui se passe » en ce qui concerne la santé de la personne. À l’inverse, un médecin peut être plus réticent à faire un signalement obligatoire (p. ex., une intoxication affectant la capacité de la personne à conduire, ou des soupçons de maltraitance d’enfant) lorsqu’il existe une relation personnelle ou étroite.

Si je traite une personne avec laquelle j’ai une relation sexuelle ou amoureuse, une relation médecin-patient est-elle établie?

La fourniture de soins à une personne avec qui vous entretenez des relations sexuelles ou amoureuses peut donner lieu à une relation médecin-patient; par conséquent, les dispositions relatives aux mauvais traitements d’ordre sexuel de la Loi de 1991 sur les professions de la santé réglementées (LPSR) s’appliqueraient.

Conformément au règlement, une personne n’est pas le patient d’un médecin si toutes les conditions suivantes sont remplies :

  • Au moment de la prestation, par le médecin, des services de soins de santé, la personne et le médecin entretiennent des rapports sexuels.
  • Le médecin a fourni le service de soins de santé à la personne dans une situation d’urgence ou dans des circonstances où le service présente un caractère mineur.
  • Le médecin a pris des mesures raisonnables pour transférer les soins destinés à la personne à un autre médecin ou il n’existe aucune occasion raisonnable de transférer les soins à un autre médecin.

Toutefois, si les critères ci-dessus ne sont pas remplis et que l’un des critères suivants est rempli, une relation médecin-patient sera établie :

  • en ce qui concerne un service de soins de santé qu’il a fourni à la personne, le médecin a facturé le service à la personne ou à un tiers, au nom de la personne, ou il a reçu un paiement de la personne ou du tiers,
  • le médecin a contribué à un dossier, notamment un dossier de santé, tenu à l’égard de la personne,
  • la personne a consenti au service de soins de santé recommandé par le médecin,
  • le médecin a prescrit à la personne un médicament sur ordonnance.

Le fait de fournir des soins à un partenaire romantique ou sexuel qui présente l’un des quatre critères déclenche l’application des dispositions relatives aux abus sexuels de la LPSR.

Pour obtenir de plus amples renseignements, voir la politique sur le maintien de limites appropriées et prévention des mauvais traitements d’ordre sexuel.

Pourquoi la politique énonce-t-elle des attentes en matière de communication des soins fournis aux autres prestataires de soins de santé participant aux soins de la personne?

La documentation des traitements médicaux est essentielle à la sécurité et à la qualité des soins de santé. Des dossiers médicaux complets et exacts facilitent et améliorent la collaboration dans les modèles collaboratifs de soins de santé, et pour recenser les problèmes ou les tendances qui peuvent contribuer à déterminer le cheminement des soins de santé.

Lorsque les médecins se traitent eux-mêmes ou fournissent un traitement aux membres de leur famille ou à d’autres proches, il existe un risque que le dossier médical de la personne qui reçoit les soins ne soit pas complet et exact. La communication du traitement fourni au fournisseur de soins primaires de la personne permet de s’assurer que la personne dispose d’un dossier médical complet et précis.

Cette politique s’applique-t-elle aux communautés rurales ou isolées?

Oui. Les attentes énoncées dans la présente politique s’appliquent aux communautés rurales ou isolées3. L’Ordre reconnaît que les médecins de ces communautés ont souvent des relations avec plusieurs ou toutes les personnes qui cherchent à se faire soigner, mais les risques associés à une objectivité et un jugement professionnel compromis s’appliquent dans les milieux ruraux et isolés tout comme dans les autres milieux.

Conformément à la politique, les soins que le médecin peut fournir à une personne dépendront de la nature de la relation personnelle entre le médecin et la personne. Lorsque la nature de la relation avec ce membre de la famille ou toute autre personne proche du médecin pourrait raisonnablement affecter le jugement professionnel du médecin, celui-ci est alors limité à fournir un traitement uniquement dans le contexte d’un trouble mineur ou d’une urgence, et lorsqu’aucun autre professionnel de santé qualifié n’est facilement disponible, de la façon indiquée dans cette politique.

Si la relation personnelle entre le médecin et la personne n’est pas étroite, et ne correspond donc pas à la définition de « membre de la famille » ou de « proche », le médecin pourra agir en tant que médecin traitant de cette personne.

Puis-je effectuer un renouvellement d’ordonnance pour moi-même, des membres de ma famille ou d’autres proches?

Que le médecin prescrive un médicament pour la première fois ou pour un renouvellement, il s’agit toujours d’une ordonnance. Par conséquent, lorsque le traitement d’un trouble mineur ou d’une urgence nécessite le renouvellement d’un médicament, les médecins doivent se conformer à la politique de l’Ordre sur la prescription de médicaments. Les médecins ne doivent jamais prescrire ou administrer, pour eux-mêmes, des membres de leur famille ou d’autres proches, les substances suivantes : des stupéfiants; des drogues ou substances réglementées; des médicaments contrôlés; du cannabis à des fins médicales; ou toute drogue ou substance qui pourrait créer un effet de dépendance ou d’accoutumance, qu’il s’agisse d’une nouvelle ordonnance ou d’un renouvellement.

Cette politique s’applique-t-elle aux orientations vers d’autres praticiens?

Oui. Les orientations vers d’autres praticiens pour vous, des membres de votre famille ou d’autres proches sont visées par la politique.

Pour effectuer une demande de prise en charge, le médecin traitant doit évaluer la personne, ce qui peut inclure la collecte des antécédents, la réalisation d’un examen approprié ou l’organisation d’investigations, afin de cerner une indication clinique pour une prise en charge. Les démarches à prendre dépassent la portée des soins que la politique permet au médecin d’entreprendre pour soi, des membres de la famille ou des proches.

Aux fins de la présente politique, les orientations vers d’autres praticiens sont considérées comme distinctes des recommandations informelles faites aux membres de votre famille ou à d’autres personnes proches concernant un médecin en particulier qu’ils pourraient envisager de consulter, et de l’établissement du contact entre la personne et ce médecin. Pour assurer la continuité des soins, les médecins doivent conseiller à la personne de discuter de toute recommandation avec le professionnel qui lui fournit des soins primaires.

Notes de fin

1. Voir, par exemple :

  • Katherine J. Gold, et al. « No Appointment Necessary? Ethical Challenges in Treating Friends and Family » (2014) N Engl J Med 2014; 371:1254-1258.
  • Carolyne Krupa, « The limits of treating loved ones » Amednews.com (6 février 2012), en ligne : Amednews.com.
  • Chen et al., « Role conflicts of physicians and their family members: rules but no rulebook » (2001) 75(4) West. J. Med. 236–239.
  • American Academy of Pediatrics Committee on Bioethics, « Pediatrician-Family-Patient-Relationships: Managing the Boundaries » (2009) Pediatrics Vol. 124 No. 6, 1685 -1688.
  • Kathy Oxtoby, « Doctors’ Self Prescribing » BMJ Careers (10 janvier 2012), en ligne : BMJ Careers.
  • Ruth Chambers et John Belcher, « Self-reported health care over the past 10 years: a survey of general practitioners » (1992) 42 British J. Gen. Practice 153-156.
  • Richard C. Wasserman et al., “Health Care of Physicians’ Children” (1989) 83 Pediatrics
  • Edward J. Krall, “Doctors Who Doctor Self, Family, and Colleagues” (2008) 107 Wisconsin Med. J., No. 6, 279-284.

2. Association médicale canadienne (AMC), Code d’éthique et de professionnalisme, section C. 7.

3. L’isolement peut être basé sur la géographie, la culture, la langue, etc.